Bulletin juillet 2023

Cinq pains et deux poissons, juillet 2023.

Le mot du pasteur

Après la Pentecôte s’ouvre le « temps de l’Eglise ». Car l’Eglise naît de la lumière de Pâques diffusée par l’énergie de l’Esprit Saint.
Eglise secouée, interpelée par l’action réformatrice de Luther : nous avons le privilège d’accueillir à ce sujet une réflexion du théologien Mathieu Arnold, pour nous ! Eglise témoignant dans son architecture et ses œuvres d’art. Eglise témoignant par ses membres, brebis d’un même troupeau. Eglise aux frontières invisibles, mais dont nous sommes un visage ici à Evreux.

Eglise de Dieu, église des hommes

L’Eglise aux frontières invisibles

« Seul tu connais le coeur de tous les enfants des hommes. » Cette prière du livre des Rois (1Rois 8,39) exprime bien la pensée des Réformateurs au sujet de l’Eglise. Seul Dieu connaît ceux qui lui appartiennent. Dans ses frontières, la vraie Eglise, l’Eglise de Dieu, est invisible aux yeux des hommes. Cela n’empêche pas, heureusement, que des communautés de foi s’organisent visiblement. Pour le témoignage commun, et pour grandir dans notre foi, dans un lieu donné, une culture donnée, une histoire donnée.

Aucune Eglise, d’ailleurs, ne devrait se penser seule détentrice de la vérité ultime qu’est Dieu. Comme le dit notre Déclaration de Foi adoptée en 2017 : « L’Église protestante unie de France se comprend comme l’un des visages de l’Église universelle. Elle atteste que la vérité dont elle vit la dépasse toujours. »

Des marques d’appartenance

Dans l’Eglise visible, des marques plus particulières d’appartenance sont proposées. En premier lieu, bien-sûr, le baptême, signe visible de l’amour premier de Dieu. Acte commun à tous les chrétiens, il dépasse les frontières d’Eglises ; mais il est célébré dans l’Eglise particulière où s’inscrit le parcours de foi.

Une personne baptisée enfant est invitée à témoigner plus tard de sa foi, et à s’engager par elle-même dans l’Eglise : c’est la « confirmation », au cours d’un culte où se mêlent la confession de foi, l’accueil comme membre actif de l’Eglise, la participation à la Sainte-Cène (ou « communion »), et une prière de bénédiction et d’invocation de l’Esprit Saint.

Une célébration assez semblable est possible pour des personnes qui ont été baptisées dans une Eglise d’une autre tradition chrétienne, puis qui ont fait un chemin de foi les amenant dans l’Eglise protestante unie. Rien n’est obligatoire, cela ne donne aucun droit supplémentaire, mais cette démarche manifeste une reconnaissance, un témoignage, un accueil, un encouragement pour tous.

Une forme légale

Enfin, dans la République Française et depuis 1905, les « paroisses » ou Eglises locales protestantes ont adopté une forme d’association cultuelle. Une assemblée générale annuelle vote les budgets et les grandes orientations de la vie locale, et élit tout les 4 ans un conseil presbytéral qui la gouverne (le pasteur en est membre de droit). Pour être membre de cette association cultuelle et prendre part aux votes, il faut plusieurs conditions : reconnaître que « Jésus-Christ est le Seigneur », c’est-à-dire se reconnaître chrétien, disciple de Jésus-Christ ; être majeur ; et surtout : faire la demande d’inscription comme membre de l’association ! Des formulaires sont disponibles pour cela au temple ou auprès du conseil presbytéral.

Etre membre de l’association cultuelle n’est pas le sommet de la vie chrétienne ! L’identité essentielle, commune à tous, est la foi en Jésus-Christ. Mais par votre engagement et votre soutien concret, vous pouvez participer au rayonnement de l’Evangile dans cette communauté concrète. Ne vous en privez pas !

Eric de Bonnechose

En quelques insectes

Notre terre extraordinaire ! C’était le thème de la catéchèse des enfants cette année, reliant une approche écologique à de grands textes bibliques. Mois après mois, des insectes ont été nos mascottes. Et pour clore l’année le 11 juin dernier, un jeu a donné lieu à quelques belles créations : des paraboles imaginaires autour des insectes, et des vitraux. Merci aux artistes de tous âges !

Un point de réflexion

Matthieu Arnold par Claude Truong-Ngoc août 2015 Par amour de la vérité…
J’ai longtemps hésité à rédiger ces lignes car elles seront lues par des frères et sœurs dont j’ignore entièrement l’histoire individuelle et les attentes. Seules les sollicitations répétées d’un membre de votre paroisse qui connaît sur le bout des doigts la parabole de l’ami qui se laisse fléchir (Luc 11, 5-8), ainsi que le lointain souvenir d’un culte à Evreux, alors que mon ami Louis Pernot était votre pasteur, ont fini par vaincre mes réticences.
Comme je suis un peu familier de Martin Luther, j’aimerais partager avec vous quelques réflexions, en lien avec l’actualité, sur les 95 thèses sur le pouvoir des indulgences (1517), texte fondateur du protestantisme. Lorsqu’en 2017, je me suis rendu au festival d’Angoulème y présenter une bande dessinée sur Luther, le Réformateur était considéré par le grand public comme un lanceur d’alerte : un débat avait même été organisé avec Paul François, le courageux agriculteur victime des pesticides qui est parvenu à faire condamner Monsanto, et le nom de la protestante Irene Frachon, autre lanceur d’alerte affrontée aux puissances de l’argent, à des industriels cyniques et à des mensonges éhontés, avait été évoqué à plusieurs reprises. À dire vrai, ce parallèle ne manque pas de pertinence : en niant à l’achat des indulgences toute efficacité pour le salut des fidèles, en déclarant que le vrai trésor de l’Église était l’Évangile et en soutenant avec finesse que le pape préférerait donner de son argent aux chrétiens plutôt que de laisser les prédicateurs d’indulgences les dépouiller, Luther heurtait à la fois d’énormes intérêts financiers et une institution qui, sans être toute-puissante, n’en possédait pas moins un pouvoir certain.
Mais aujourd’hui, six ans plus tard, à notre époque d’indignations sélectives et fort limitées, tiendrait-on encore unanimement le Réformateur pour un courageux lanceur d’alerte ? Au moment où j’écris, le 10 juin 2023, certains journalistes semblent bien plutôt trouver qu’il est de bon ton de moquer les personnes courageuses, surtout lorsque leurs actes sont motivés par leur foi chrétienne. Et puis, plutôt que de féliciter Luther pour son « amour de la vérité et [son] souci de la montrer clairement » (préambule aux thèses), ne faudrait-il pas condamner la « phobie du pape » – donc l’intolérance – qui s’exprime dans ses thèses ? Sa dénonciation des prédicateurs des indulgences qui affirment qu’elles effaceraient même un péché aussi énorme que le viol de la mère de Dieu ne serait-elle pas de nature à attiser la haine des laïcs contre ces clercs ? Bref, jusque dans les rangs du protestantisme, sans doute bien des voix se feraient-elles entendre qui déploreraient, au nom de l’amour, que Luther n’eût pas continué à attendre, en silence et avec patience, que les choses finissent par s’améliorer…
Au nom d’un amour qui se soucie assez peu de la vérité, certains de nos contemporains s’indignent plus de la dénonciation de faits insupportables que de ces faits eux-mêmes. Ce n’était nullement le cas de Luther : pas plus à Wittenberg en 1517 qu’à Worms en 1521 (« ma conscience est captive de la Parole de Dieu »), il n’a souhaité taire la vérité. En dépit des outrances du Réformateur, en dépit de ses terribles écrits de 1525 contre les paysans ou de 1543 contre les Juifs, cette exigence de lucidité et de vérité devrait à mon sens rester un marqueur du protestantisme.
Matthieu Arnold
Professeur d’histoire du christianisme moderne et contemporain

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